Droit de réponse article Grazia “Faut-il arrêter la pilule ?”

Voici un droit de réponse à l’article “Faut-il arrêter la pilule” paru dans le Grazia de ce 1er septembre :

« La journaliste Sabrina Debusquat accuse le contraceptif oral de provoquer dépression, cancer, infertilité, baisse de la libido, pollution des eaux… […]  Grazia a demandé leur avis sur les principales accusations qu’elle porte contre la pilule » 

« Sabrina Debusquat » n’« accuse » rien ni personne. Sabrina Debusquat est une journaliste indépendante spécialiste de la santé des femmes qui relaie dans un livre un ensemble de preuves et d’études solides et sans conflits d’intérêts (détail crucial) au sujet de la pilule. Depuis des dizaines d’années, des scientifiques hautement qualifiés réalisent des études qui pointent du doigt certains aspects des hormones synthétiques et tentent d’alerter l’opinion publique sur ces problématiques. Une journaliste a effectivement constaté suite à une année d’enquête que tout cela était solide et méritait d’être rapporté aux femmes dans un livre abondamment argumenté et sourcé. Utiliser le champ lexical du procès pour qualifier l’enquête d’une journaliste qui ne fait que relayer des faits est un procédé caricatural et lui-même accusateur.

« Elle a arrêté la pilule et s’est sentie libérée. [Elle] en a fait un livre. »

Le livre contient 300 pages parsemées de sources scientifiques solides. Ce livre n’est pas un livre de témoignage mais une enquête poussée d’une année. Parce que je n’ai rien à cacher, j’explique effectivement que j’ai pris la pilule et que c’est en en parlant sur Internet que l’idée d’une enquête a fait son bout de chemin.

L’enquête a été réalisée avec la plus grande éthique journalistique possible en lisant toutes les études, en prenant connaissance des « pour » et des « contre » et en n’ayant aucune idée reçue sur le résultat de l’enquête

Des centaines de femmes m’envoyaient des mails désespérés en cherchant des réponses à leurs questions. Une enquête préliminaire a ensuite révélé que de nombreux points concernant la pilule méritaient d’être éclairés. De très nombreuses investigations ont pour point de départ un évènement de la vie d’un journaliste, cela n’a rien d’exceptionnel. L’enquête a été réalisée avec la plus grande éthique journalistique possible (c’est-à-dire en lisant toutes les études, en prenant connaissance des « pour » et des « contre » et en n’ayant aucune idée reçue sur le résultat de l’enquête). Cf. pages 217 à 221 du livre.

« Très critique sur les contraceptifs oraux, la journaliste, passée à la méthode naturelle (prise de température, observation quotidienne de sa glaire cervicale, autopalpation du col de l’utérus…) suggère que la « révolution sexuelle aurait pu avoir lieu sans la pilule ».

Les résultats de mon enquête tissent effectivement une toile étoffée d’arguments critiques envers les contraceptifs oraux. Ce n’est pas moi qui suis « critique », ce sont l’ensemble des preuves amassées qui le sont. Comme le dit l’expression : «  Ne tapez pas le messager ! ». Je n’ai pas choisi les résultats de mon enquête, j’ai simplement fait mon travail de journaliste, amasser des faits, les lier entre eux et les relayer au public. Trouver des résultats rassurants m’aurait placé dans une position bien plus confortable mais je ne vais pas jeter aux oubliettes une année de travail par peur de déplaire.

Trouver des résultats rassurants m’aurait placé dans une position bien plus confortable mais je ne vais pas jeter aux oubliettes une année de travail par peur de déplaire.

Concernant « la révolution sexuelle qui aurait pu avoir lieu sans la pilule », ce sont des données démographiques et historiques fiables et sourcées dans le livre qui indiquent en effet que la révolution sexuelle semblait bien en marche avant l’arrivée de la pilule. Cette information, est extrêmement positive car elle montre que ce sont les femmes, par leurs comportements et leur volonté qui ont fait évoluer les choses et non un facteur extérieur. Tout cela est abondamment détaillé dans le livre et j’invite chacun à le lire et à en vérifier les sources pour se faire son opinion.
Enfin, je parle de mon parcours personnel vis-à-vis de la contraception pour montrer aux lectrices que d’autres possibilités existent. Présenter cette information dans l’idée de me décrédibiliser semble également indiquer que cet article n’a pas été rédigé dans un état d’esprit neutre.

L’article reprend ensuite quelques points du livre (de manière très incomplète et imprécise) pour les éclairer de l’avis d’experts :

« [La pilule] est une camisole chimique : Certains changements d’équilibres hormonaux ont un impact sur la libido, mais pas de façon épidémique. Et d’ailleurs, lequel ? »

Tout est expliqué précisément dans le livre et s’appuie également sur des avis d’experts très compétents. Le terme de « castration » chimique n’est pas de mon invention mais repris de la bouche de certains spécialistes qui la qualifient ainsi, notamment parce que la plupart des pilules diminuent l’hormone principale du désir sexuel (la testostérone) jusqu’à 50 % et que certaines pilules contiennent des hormones (medroxyprogestérone et acétate de cyprotérone) qui sont précisément les mêmes que celles contenues dans les castrations chimiques utilisées pour les délinquants sexuels. Enfin, l’avis des femmes est aussi intéressant à prendre en compte puisqu’elles sont très nombreuses à signaler cet effet secondaire.

« Comment évaluer le rôle propre de la pilule lorsqu’on sait qu’en France, plus d’un couple sur trois explose au bout de cinq ans ? Difficile de ressentir du désir quand le couple est en crise, surmené ou connaît la routine. »

Ces arguments ne sont ni médicaux ni scientifiques (contrairement à ceux énumérés dans mon livre) et il n’est à aucun moment avancé dans le livre que les hormones sont les seules responsables de la libido. Il est avancé que, de manière mécanique, physique, les hormones de la pilule influent sur les principales hormones liées au désir ou à la sexualité chez la femme. Or, de très nombreuses femmes indiquent une baisse de libido sous pilule, libido qu’elles retrouvent pour l’immense majorité juste après l’arrêt de leur pilule. Cela semble indiquer qu’il y a plus que de simples problématiques de « routine dans le couple». Je rapporte dans mon livre des pistes solides qui peuvent tout à fait expliquer ce que de si nombreuses femmes expérimentent sous pilule.

«  [La pilule] est cancérigène : Certaines pilules sont responsables de deux cas de cancer du sein sur 10000. C’est trop. Mais il s’agit de certaines pilules, pas de LA pilule. Là encore il y a dérapage. »

C’est précisément ce que dit le livre. La pilule oestroprogestative (celle que prennent 90 % des femmes en Europe, donc l’immense majorité) est responsable (cf. page 111) de « deux cas additionnels de cancer du sein si la pilule a été prise avant la première grossesse menée à terme » et « environ un cas additionnel de cancer du sein si la pilule a été prise après la première grossesse menée à terme » »). Les études tendent à montrer que 80 % de celles qui ont un cancer du sein à cause de leur pilule ont commencé à la prendre avant leurs 18 ans et pendant plus de quatre ans.

Ce sont des décès de femmes qui ne sont initialement pas malades et qui meurent donc du simple fait d’avoir pris une contraception orale alors qu’elles auraient pu éviter ce risque en optant pour une autre contraception. Malgré la connaissance de certains facteurs de risques, la médecine est actuellement incapable de prédire précisément quelle femme sur les 10 000 sera touchée ou pas par ce cancer en prenant la pilule oestroprogestative. De plus, des biais majeurs dans les études entre risque de cancer et pilule sont des facteurs majeurs de minimisation de ce risque (ou pire permettant des fausses conclusions comme un “effet protecteur” sur certains cancers). Quant aux autres types de pilules utilisant uniquement des progestatifs, un nombre de plus en plus important d’études montrent que ces pilules auraient un potentiel cancérigène encore plus élevé (cf. page 111).

« [La pilule] pollue : « Effectivement, il y a des traces d’EE2 dans certains cours d’eau français et dans certains lacs canadiens. […] Plus généralement, le problème concerne aussi les eaux usées des hôpitaux, qui éliminent de nombreux produits pharmaceutiques. Mais emportée par la passion, l’auteure oublie de préciser que depuis que ce problème a été signalé, les usines de traitement des eaux disposent de toutes les procédures techniques pour purifier l’eau des EE2. »

Je ferai fi jugements sur mon « emportement » pour rester encore une fois sur les faits. Tout un paragraphe du livre explique de manière extrêmement précise et sourcée que la présence de l’EE2 dans les effluents et les sols a été établie à l’échelle mondiale depuis de nombreuses années. Ce n’est pas un phénomène marginal. L’effet quotidien de l’EE2 est supérieur à celui de nombreux produits chimiques que nous avons interdits par le passé et il fait partie des résidus médicamenteux les plus couramment retrouvés dans nos cours d’eaux. Des experts de renommée mondiale, parmi les plus qualifiés sur le sujet (Susan Jobling et Robert Owen, entre autres) expliquent comment l’EE2 contenu dans la pilule est le stéroïde œstrogène le plus puissant mais aussi le plus difficile à éliminer par des traitements conventionnels des eaux usées et se demandent si l’on « pourrait y voir un argument pour demander à ce qu’il soit substitué en tant qu’ingrédient actif de la pilule [afin de] continuer à fournir aux femmes un accès au contrôle des naissances […] tout en modifiant substantiellement la conception des produits pharmaceutiques pour protéger l’environnement des dommages inutiles ». Ils rappellent également que les preuves au sujet de la pollution de l’eau et de la faune par l’EE2 devraient fortement inciter à mettre en place le principe de précaution qui veut que « lorsqu’il existe des menaces de dommages sérieux ou irréversibles, l’absence de certitudes scientifiques absolues ne doit pas servir de prétexte pour remettre l’adoption de mesures qui préviennent la dégradation de l’environnement ».

L’effet quotidien de l’EE2 est supérieur à celui de nombreux produits chimiques que nous avons interdits par le passé

Enfin, les procédés de traitement de l’EE2 n’en sont qu’au début de leur développement, leur efficacité est difficile à établir et ils parviendraient après plusieurs traitements à éliminer seulement 30 à 70 % de l’EE2, rejetant donc dans l’environnement des quantités suffisantes pour impacter la faune mais aussi s’infiltrer dans les nappes et points d’eau où nous ponctionnons notre eau potable. Ces traitements n’en étaient encore pour la plupart qu’au stade expérimental en 2016 et 90 % des stations d’épurations en France ne sont à l’heure actuelle toujours pas équipées pour traiter ces micropolluants.

« [La pilule] augmente le risque de sclérose en plaques : Je tombe des nues. L’auteure fait référence à une seule étude dont les chercheurs eux-mêmes recommandent l’interprétation avec la plus grande prudence. »

Ce passage du livre met en relation deux faits intéressants : quinze ans après l’introduction de la pilule en Angleterre, le taux de femmes hospitalisées pour sclérose en plaque a presque doublé et certaines études montrent justement que le type de progestérone synthétique levonorgestrel (celui que prennent la majorité des femmes via les pilules seconde génération, notamment en France puisque c’est le progestatif le plus utilisé aujourd’hui en France en terme de ventes de pilule) augmente jusqu’à 1,75 fois les risques de développer une sclérose en plaques. Les auteurs précisent qu’il faut interpréter ces résultats avec prudence et supputent que le lien avec le mode de vie est plus probable que l’utilisation de contraceptifs oraux. Précisons premièrement que cela reste une supputation alors que leurs résultats montrent un chiffre qui est un fait. Fait d’autant plus intéressant quand on le corrèle avec d’autres faits qui montrent que depuis l’introduction de la pilule combinée les cas d’augmentation de sclérose en plaque collent à peu près avec les chiffres obtenus par plusieurs études, quand bien même faibles. Deuxièmement, l’auteur principal de l’étude présente des conflits d’intérêts puisqu’il a reçu des compensations de la part de Bayer, Merck et Sanofi et qu’un autre de ses coauteurs reçoit des financements des laboratoires Roche (tous des laboratoires commercialisant des pilules contraceptives). Ces conflits d’intérêts pourraient notamment expliquer l’interprétation que font les auteurs de leur étude. Une autre étude montre un risque avoisinant ces 1,75 : risque de 1.2 pour les anciennes utilisatrices de pilule : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10994007. D’autres études montrent aussi que ce sont justement ces pilules de seconde génération qui sont associées aux risques de scléroses en plaque les plus élevés (cf. http://jamanetwork.com/journals/jamaneurology/fullarticle/789400).

Deuxièmement, la plupart des études réalisées sur le sujet n’annonçant pas de risques supérieurs de sclérose en plaque suite à la prise de contraceptifs oraux ne comparent pas des femmes qui n’ont jamais pris la pilule à celles qui l’ont prise mais comparent des femmes qui prennent la pilule avec d’autres l’ayant arrêtée il y a X années (ce qui est un biais majeur qui fausse l’analyse puisqu’il s’agit donc de femmes ayant toutes pris des contraceptifs oraux de manière plus ou moins récente) ou alors s’intéressent au lien entre pilule et sclérose en plaque uniquement pendant la prise ou peu de temps après et non sur le long terme. Il faudrait aussi savoir si les femmes considérées comme non utilisatrices ont pris ou non dans leur vie des traitements hormonaux substitutifs de la ménopause (biais couramment négligé dans la plupart des études liées à l’usage de la contraception orale).

Enfin, fait intéressant, d’autres études indiquent que les symptômes invalidants de la sclérose en plaque progressent plus rapidement chez les femmes qui ont pris la pilule combinée (2012 : « a more rapid progression occurred when women reported the use of oral contraceptives. » https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21993617). Des scientifiques ont également montré l’an passé que la cytokine interleukine-6 ​​(IL-6) est un messager qui déclenche les cellules T qui jouent un rôle dans l’apparition de la sclérose en plaque. Or la pilule combinée et d’autres contraceptions hormonales augmentent les taux de cette cytokine (cf. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4378601/) ainsi que les taux de CRP (x2) qui augmentent en corrélation directe avec l’IL-6 (http://www.webmd.com/women/news/20030411/pill-linked-to-heart-disease-protein#1).

Ainsi, bien que les risques entre prise de contraceptifs combinés et sclérose en plaque ne semblent pas élevés, de nombreuses études semblent indiquent des corrélations intéressantes dont les femmes ont le droit d’être informées. Ces résultats devraient en effet pousser à plus de recherche dans ce domaine où malheureusement peu d’études existent, nous obligeant pour l’heure à faire avec.

« [La pilule] oppresse la femme : L’avis de Véronique Séhier: «II ne peut pas y avoir de libération ni d’émancipation de la femme sans la possibilité de choisir d’avoir ou non des enfants. La pilule a donc été une révolution à sa sortie. Certaines ne veulent ni hormone ni objet dans leur corps, d’autres s’en accommodent très bien. Nous ne sommes pas toutes égales devant la contraception et on n’a pas à imposer une méthode plutôt qu’une autre. »

À aucun moment il n’est dit dans le livre que la pilule « oppresse » la femme, le terme n’y figure pas une seule fois. Je me contente de relier entre elles de nombreuses informations fiables et sourcées provenant des travaux poussés de scientifiques, historiens, etc. qui montrent que c’est un mythe de croire que la pilule a révolutionné le nombre d’enfants par femme ou encore qu’aujourd’hui les femmes sont si souvent poussées à prendre la pilule et si peu informées sur les autres contraceptifs existants (notamment sans hormones) qu’elles ne peuvent procéder à un réel « choix » contraceptif.

À aucun moment il n’est dit dans le livre que la pilule « oppresse » la femme

Comme je l’explique dès l’introduction « Je veux que les femmes puissent choisir leur contraceptif en toute conscience. Sans zone d’ombre. Je n’ai pas à les juger ou à leur dire quoi penser. Personne ne devrait le faire. » De plus, tout un paragraphe du livre est dédié à celles qui prennent ou souhaitent prendre la pilule. Enfin, en annexe du livre figure un classement de l’ensemble des méthodes contraceptives actuelles avec ou sans hormones ce qui montre, encore une fois, que le livre ne verse pas dans l’idéologie ou dans une tentative à orienter les femmes vers telle ou telle méthode. Ce livre présente des faits et fait connaître des possibilités méconnues mais ne cherche absolument pas à « imposer » quoi que ce soit à qui que ce soit. Une lecture attentive de l’ouvrage montre rapidement que prétendre que j’affirme que la pilule « oppresse la femme » ne relève que de la conjecture.

Je rappelle donc que mon livre est à lire dans son ensemble, que les conclusions qu’ils tirent ou phénomènes qu’il explore s’appuient sur des études et analyses d’experts compétents, indépendants et sans conflits d’intérêts. Plusieurs médecins généralistes, toxicologues et pharmacologues ont d’ailleurs relu le livre avant sa publication et en ont validé le contenu.

Je ne suis pas une simple « blogueuse », je suis avant tout journaliste indépendante spécialiste de la santé des femmes diplômée d’un Master II

De même, je ne suis pas une simple « blogueuse » comme aiment à me présenter de nombreux médias, je suis avant tout journaliste indépendante spécialiste de la santé des femmes diplômée d’un Master II en journalisme et animatrice à Radio France. J’avais entre autres rédigé en 2014 le premier dossier en presse écrite en France sur les violences gynécologiques alors non médiatisées, mon Linkedin est également visible publiquement et mon blog est un hobby qui n’a pas grand-chose à voir avec ma profession, ce n’est pas mon activité principale et je n’en retire aucun profit.