Interview Sabrina Debusquat France Culture

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Extraits :

“Le point de départ de cette enquête, c’était le décalage que j’ai pu observer entre la parole des femmes et le discours médico-scientifique dominant, qui a plutôt tendance à dire que les effets secondaires bénins comme graves sont mineurs. Dès le début de l’enquête, je me suis rendu compte qu’il y avait énormément de conflits d’intérêts, je me suis donc bien attaché, tout au long de l’étude, à travailler avec des experts indépendants. J’ai également fait un sondage auprès de 3 616 femmes de 13 à 50 ans. 70 % des femmes ont vécu des effets négatifs indésirables liés à la pilule et j’ai été très étonnée de voir que le premier effet négatif ressenti, c’est la baisse de libido.”

Interview de Sabrina Debusquat sur les coulisses de son enquête et la manière dont le livre a été reçu depuis sa publication. Elle y réagit, entre autres, sur les accusations de propos “anxiogènes” de son livre envers la pilule et la place donnée à la parole des femmes sur ce sujet :

 

“En matière d’hormones synthétiques les études sont malheureusement gangrénées par le conflit d’intérêts [et] quand on enquête sur le sujet, on se rend compte que la technique scientifique actuelle des études épidémiologiques ne permet pas d’estimer précisément les effets des hormones synthétiques. […] On se rend compte que les hormones synthétiques pourraient causer bien plus de problèmes que ce qu’on croit.”

On se rend compte que les hormones synthétiques pourraient causer bien plus de problèmes que ce qu’on croit

“On interdit le bisphénol A en 2015 dans les biberons et les contenants alimentaires, bisphénol A mille fois moins puissant que l’ethynilestradiol, oestrogène synthétique qu’on retrouve dans la pilule que prennent 80/90 % des femmes. Donc il y a une espèce de décalage entre le fait d’interdire une molécule mille fois moins puissante pour monsieur madame tout le monde et le fait de considérer qu’on puisse mettre des molécules mille fois plus puissantes, pendant des dizaines d’années, dans le corps des femmes en sous-entendant qu’il y aura très peu voire pas d’effets secondaires [or] c’est quasiment impossible car c’est un perturbateur endocrinien puissant donc ça pose des problèmes, ça a forcément des conséquences sur le corps à plus ou moins long terme.”

On interdit le bisphénol A en 2015 dans les biberons et les contenants alimentaires, bisphénol A mille fois moins puissant que l’ethynilestradiol, oestrogène synthétique qu’on retrouve dans la pilule que prennent 80/90 % des femmes

“La plupart des femmes arrêtent la pilule à cause de ses effets secondaires bénins mais pénibles au quotidien (baisse de libido, migraine, prise de poids, etc.). Tout le but de mon enquête c’est justement de dire voilà : les femmes ont certainement bien plus d’effets secondaires sous pilule que ce qu’on croit, tout corrèle, tout va dans ce sens là, alors est-ce qu’on ne peut pas maintenant essayer d’avancer, de faire avancer la recherche et de leur trouver une contraception aussi efficace mais sans effets secondaires et non polluante, etc., etc. ?”

Ce qui est scandaleux c’est que chaque année des femmes souffrent, meurent ou finissent handicapées à cause de leur pilule, donc parce qu’elles sont femmes.

Maxime Bacquié : “Mais est-ce qu’on peut parler de scandale sanitaire ?”

Sabrina Debusquat “Ce qui est scandaleux c’est que chaque année des femmes souffrent, meurent ou finissent handicapées à cause de leur pilule, donc parce qu’elles sont femmes. Ce qui est scandaleux c’est que l’on ait des hormones de la pilule qui puissent gravement influer sur le foetus et qui restent parfois jusqu’à un an dans le corps d’une femme et qu’on ne l’en prévient pas lorsqu’elle arrête sa pilule et souhaite tomber enceinte. Ce qui est scandaleux c’est que les hormones de la pilule ne sont pas traitées par nos stations d’épuration, ou très mal, qu’on les retrouve dans notre eau du robinet et que ça perturbe gravement la faune. Donc ça commence à faire un peu beaucoup.”

Maxime Bacquié : “Vous vous rendez bien compte qu’avec un livre comme celui-ci, qui est assez alarmiste, vous allez forcément influencer ces femmes-là. Vous en êtes consciente et vous l’assumez ?”

Sabrina Debusquat : “Il ne me semble pas que tout journaliste quand il mène une enquête se dise “telle info je ne vais pas la présenter ou je vais l’adoucir parce que ça pourrait avoir telle conséquence”. Bien évidemment le sujet que je traite est particulièrement délicat, bien évidemment ce que je dis est angoissant. Maintenant, est-ce qu’il faut ne pas le dire pour autant ou adoucir la réalité ? Je n’en suis pas sûre. Un journaliste mène son enquête, il n’est pas responsable de ce qu’il y trouve.”

Je veux bien que l’on rassure les femmes mais […] les conclusions de mon enquête ne sont pas rassurantes. Alors est-ce que l’on va savoir y faire face ou se mettre un voile devant les yeux ? Ça ce n’est pas de mon ressort.

[…] Je prends justement les femmes pour des êtres responsables et je pense qu’elles sont tout à fait capables de lire des choses sur la piule sans paniquer d’un coup comme de pauvres petites créatures faibles. […] Les femmes arrêtent de plus en plus la pilule et elle n’ont pas besoin de moi pour ça. […] Si la réalité est anxiogène, j’ai envie de vous dire c’est pas de ma faute, ne tapez pas sur le messager, moi je vous donne le résultat d’une enquête. Je veux bien que l’on rassure les femmes mais […] les conclusions de mon enquête ne sont pas rassurantes. Alors est-ce que l’on va savoir y faire face ou se mettre un voile devant les yeux ? Ça ce n’est pas de mon ressort.”

C’est à chaque patient d’écouter son ressenti et de ne pas toujours attendre que les études scientifiques viennent valider son ressenti des dizaines d’années après, ce qui est souvent le cas pour de nombreux médicaments

“Je pense que, quoiqu’il en soit, c’est à chaque patient d’écouter son ressenti et de ne pas toujours attendre que les études scientifiques viennent valider son ressenti des dizaines d’années après, ce qui est souvent le cas pour de nombreux médicaments. Je pense que cette parole des femmes est très forte en ce moment et si l’on a de plus en plus de femmes qui arrêtent la pilule ce n’est pas pour rien, encore une fois. Elles sont en train de faire entendre cette voix, quoiqu’il en soit, quoi qu’on en pense. C’est à elles de s’emparer du sujet. Je n’ai pas de visée politique ou militante donc je laisserai la sciété s’emparer du sujet… ou pas.”

Excellent dossier avec témoignages et interviews réalisé par Maxime Bacquié à relire ici en intégralité : #jarretelapilule