Droit de réponse AFIS

Droit de réponse à l’article paru dans l’AFIS d’octobre 2017.

“Finalement, la préface sera écrite par le docteur Joël Spiroux de Vendômois, président du Criigen (association qui milite contre les OGM) et co-auteur, avec Gilles-Eric Séralmi, d’une etude désormais célèbre sur des rats nourris aux OGM (étude rétractée par la revue Food and Chemical Toxicology).”

Cette étude est la première étude a avoir été rétractée après publication puis finalement republiée. Pour cause, sa rétractation n’est due qu’à des pressions de Monsanto et à d’honteux conflit d’intérêts dans le comité de la revue en question. Le Monde l’a d’ailleurs récemment rappelé dans un article intitulé L’affaire Séralini ou l’histoire secrète d’un torpillage.

C’est suite aux pressions de Monsanto que l’étude a été retirée et discréditée (informations relayées dans les Monsanto Papers). Le rédacteur en chef de la revue qui a dépublié l’étude a posteriori (évènement inédit dans l’histoire scientifique) était consultant pour Monsanto. Comme l’explique Le Monde :

“Dès sa publication, des cadres de la firme considèrent la rétractation de l’étude comme un objectif cardinal. Mais pour justifier une mesure d’une telle gravité, la revue doit pouvoir se prévaloir d’une forte indignation dans la communauté scientifique.”

Monsanto a donc pratiqué ce que beaucoup d’industriels pratiquent : la coalition de sciences saines : une industrie influence et “crée” artificiellement une communauté scientifique influente systématiquement favorable à certains produits/molécules qui va fortement attaquer tous ceux qui ne vont pas dans son sens. Via des “experts” en conflit d’intérêts (mais médiatiques ou à des postes clefs), des campagnes actives qui visent à discréditer les opposants (notamment via certains blogs anonymes et sur Internet) ou d’autres pratiques moins avouables, les industriels divisent la communauté scientifique pour faire en sorte que la balance penche plutôt de leur côté. Face à eux, des chercheurs souvent peu doués en communication et qui peinent à trouver des crédits pour une recherche indépendante. Ce qui explique que ces coalitions de sciences saines fonctionnent si bien. C’est exactement ce que j’explique dans J’arrête la pilule pour montrer au grand public ce qui se passe dans les coulisses de la science, à quel point ce sont des procédés que l’on connaît et qui se répètent dans l’histoire scientifique. Derrière certains aparavents de science se cachent de véritables mascarades. Mais des mascarades qui rapportent des milliards et qui sont donc parfaitement organisées, aux dépens de notre santé à tous et du crédit que l’on peut apporter aux scientifiques qui travaillent honnêtement.

Visiblement l’adage “calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose” se vérifie encore une fois…

“Les effets indésirables des pilules sont décrits de façon relative sans évaluation du risque absolu et les différentes pilules sont étudiées en fonction de leur génération et non en fonction de la dose d’œstrogène et du type de progestatif.”

Les données annoncées dans J’arrête la pilule sont systématiquement annoncées en risques absolus et non relatifs et détaillés selon le type de pilule progestatif ou oestroprogestatif (le détail par marque de pilule n’étant pas envisageable dans un tel ouvrage). Ces risques sont annoncés de manière similaire par les autorités officielles de santé.

“Pour ce qui est des risques de cancer, des données qui vont bientôt être publiées montrent que les contraceptifs oraux auxquels la population française a été exposée (œstroprogestatifs dans 92 % des cas) ont causé en 2015 moins de cancers qu’ils n’en ont prévenus.”

Ce que dit J’arrête la pilule c’est que les études épidémiologiques en matières d’hormones synthétiques (et plus généralement de perturbateurs endocriniens) atteignent des limites techniques qui font qu’on ne peut correctement évaluer les risques de cancer (et que l’on tend à les sous-estimer). Cf. explications plus détaillées ici. Nous attendons avec impatience ces nouvelles données mais il n’en reste pas moins que ce risque est impossible à évaluer correctement et que de nombreuses études actuelles dites “de référence” présentent des biais majeurs comme le dénoncent des scientifiques indépendants comme Jane Galbraith* ou Ellen Grant. L’ouvrage ne dit à aucun moment qu’aucun cancer n’est évité grâce à la pilule mais pointe le fait que les limites énormes des études épidémiologiques en matière d’hormones tendent à sous-estimer de manière générale les risques de cancer et s’appuie sur certains exemples pour montrer que des effets protecteurs annoncés par certaines études peuvent être dus à des biais et que cela devrait nous inciter à la prudence (en plus de l’influence des conflits d’intérêts sur nombre de ces études qui influence gravement la science, cf. paragraphe ci-dessus).

“La pilule est aussi diabolisée parce que c’est un perturbateur endocrinien.”

Les faits sont présentés et le lecteur peut se faire son opinion. Présenter des faits n’a rien à voir avec “diaboliser” (même si la réalité à ce sujet est certes plutôt anxiogène que rassurante). Le cortège de connaissances actuelles autour des perturbateurs endocriniens permet de fortement soupçonner que l’exposition d’un organisme sain à des perturbateurs endocriniens n’est jamais une bonne chose. En revanche, depuis des dizaines d’années une nouvelle coalition de sciences saines sur le sujet, poussée par l’industrie, influence le discours scientifique et les décisions politiques européennes pour tenter de modifier les discours publics à ce sujet en n’incluant pas dans le terme “perturbateur endocrinien” tout perturbateur qui a justement été créée pour l’être (comme la pilule ou les pesticides). Il s’agit de choix politiques, sémantiques et juridiques sans rapport avec la recherche scientifique qui tend plutôt à indiquer que nous devrions en matière de perturbateurs endocriniens en limiter l’exposition et appliquer le principe de précaution car nous savons très peu de choses à leur sujet (et le peu que nous savons n’est absolument pas rassurant, notamment quand on sait que ces molécules présentes dans notre environnement quotidien s’allient en effet cocktail pour produire des effets encore plus dangereux). Comme le rappelle Ana Soto (professeure de biologie cellulaire à l’origine de la découverte des effets du bisphénol A par ingestion de contact), dans un très bon documentaire de Stéphane Horel “En gros, on ne peut plus évaluer une exposition [à un perturbateur endocrinien] et ses conséquences sur l’homme parce que tout le monde est exposé tout au long de sa vie.” (ce qui est le cas avec les hormones de la pilule auxquelles nous sommes exposés en buvant l’eau du robinet chaque jour et auxquelles nous pouvons être exposés durant la vie in utero).

“L’auteure décrit la pilule comme une invention misogyne.”

L’auteure avance de manière extrêmement étoffée des faits prouvant que la pilule n’a pas été pensée avec en tête l’idée de respecter le bien-être de la femme. Les arguments féministes ne faisaient pas mouche à l’époque et la pilule a été développée et financée par des eugénistes qui y voyaient l’occasion de maîtriser les classes populaires dans un contexte de Guerre Froide et de tensions raciales. Des patientes des premiers tests sur la pilule sont décédées de manière suspecte, la société qui l’a commercialisée a été attaquée plusieurs fois en justice car soupçonnée de truquer gravement ses tests scientifiques et les plaintes des patientes vis-à-vis des effets secondaires lors des premiers essais étaient reléguées au rang du “psychosomatique”. Ce sont des faits, pas un jugement. Il faudrait veiller à ne pas s’attacher aux faits uniquement quand ils collent avec notre pensée.

“Un discours anti-scientifique.”

L’ensemble du livre n’est basé que sur des travaux et études de chercheurs spécialistes et chaque phrase, chaque fait avancé est sourcé par un document officiel ou une étude que chaque lecteur peut aller consulter pour se faire sa propre opinion ou s’informer plus avant. Si c’est cela un “discours anti-scientifique”…

“Incohérence dans les solutions proposées.”

L’auteure présente l’ensemble des alternatives à la pilule au long du chapitre 4 mais également via une annexe étoffée et sourcée visant à présenter l’ensemble des méthodes hormonales et non hormonales de contraception actuellement à disposition. Va-t-on bientôt reprocher à l’auteure de ne pas proposer elle-même des solutions ? Un constat est dressé, ce n’est pas de la faute à l’auteure s’il n’existe que peu d’alternatives disponibles. Le fait que l’auteure affiche en toute transparence son témoignage est un choix éditorial délibéré qui permet de rendre la lecture du livre plus agréable et qui ouvre aux lectrices des possibilités, sans prétention aucune autre que celle d’informer les femmes de possibilités dont on ne leur parle jamais et ce sans aucune raison valable autre que de l’idéologie ou de l’ignorance.

“La description détaillée des effets secondaires repose essentiellement sur les déclarations de 3 616 femmes ayant arrêté la pilule, déclarations recueillies sur un site Internet de l’auteure. Ce n’est donc pas un « sondage » mais une auto-sélection de femmes insatisfaites de leur pilule. On ne peut pas en déduire la moindre estimation de sa fréquence des plaintes dans la population des utilisatrices.”

Ne confondons pas tout. Les effets secondaires bénins de la pilule sont abordés au chapitre 4 et se basent sur les effets annoncés officiellement dans les notices des pilules et donc à aucun moment sur “les déclarations de 3 616 femmes ayant arrêté la pilule recueillies sur un site Internet de l’auteure”. Le sondage n’a rien à voir avec cette partir du chapitre, il est simplement utilisé pour donner une place à la parole des femmes (puisqu’en 60 ans personne n’a eu l’idée de leur demander leur avis). Le sondage est annoncé en toute transparence comme ce qu’il est : un sondage non réalisé selon méthode des quotas (sondage réalisé en ligne auprès de 3 616 femmes francophones de 13 à plus de 50 ans) et dont chacun peut retrouver les détails de CSP, d’âge des participantes ici. De plus, il n’a pas été réalisé sur le site Internet de l’auteure mais en ligne via un formulaire classique de sondage comme cela se fait régulièrement et ce sont des femmes de tous horizons qui y ont répondu (les réseaux mobilisés pour recueillir des réponses sont extrêmement divers et ne font absolument pas appels à “des femmes insatisfaites de leur pilule”, il s’agit simplement de femmes ayant pris la pilule). Dire que l’argumentation du livre vis-à-vis des effets secondaires bénins de la pilule se base sur ce sondage est absolument faux. C’est même si outrageusement faux que l’on peut se demander si Madame Hill cherche à discréditer le livre à tout prix, ou si elle l’a réellement lu avec attention.
Les résultats de ce sondage collent d’ailleurs avec certains résultats de sondages officiels selon méthode des quotas ce qui tend à prouver que le sondage, même non réalisé selon méthode des quotas n’est pas si éloigné que cela de la réalité. Quoiqu’il en soit, ce sondage n’a jamais été présenté pour autre chose que ce qu’il est et il a le mérite d’exister et de laisser aux femmes une parole qu’on ne leur octroie jamais sur le sujet. Personne n’a jamais dit qu’il prétendait à plus.

“Des pseudo-experts. Les experts cités par l’auteur sont une intéressante sélection de personnages plus ou moins alternatifs, comme Henri Joyeux, cancérologue radié récemment de l’ordre des medecins pour sa position anti-vaccinale, ou Ross Pelton, un pharmacien américain qui prétend, entre autres, guérir le cancer par un régime alimentaire et qui est actuellement vendeur de compléments nutritionnels censés résoudre tous les problèmes de santé.”

Présenter J’arrête la pilule comme un livre basé uniquement sur les propos de “pseudo experts” est totalement malhonnête et surtout insultant envers les centaines de scientifiques indépendants (et parfois experts de renommée mondiale dans leur domaine) dont les travaux forment la trame du livre. Tout un chacun peut reprendre et analyser les très nombreuses études citées en référence de bas de page et provenant d’auteurs extrêmement qualifiés et pour l’immense majorité sans aucun conflit d’intérêts. Le livre reprend des centaines de références scientifiques d’auteurs absolument pas “alternatifs” (et puis, que signifie ce mot “alternatif” ? Il est censé désigner comme “ayant forcément tort tout scientifique qui ne va pas forcément dans le sens du consensus actuel ?” Il est à rappeler que certains scientifiques présentés comme “alternatifs” – comme Séralini en son temps – ne le sont souvent que par une communauté en conflit d’intérêts et qui a intérêt à décrédibiliser certains chercheurs. Henri Joyeux n’est absolument pas cité dans le livre sauf à deux reprises sur des informations extrêmement mineures. L’auteure s’est attachée à analyser systématiquement les conflit d’intérêts des scientifiques (dans les études citées mais aussi parmi les scientifiques l’ayant aidé à préparer le livre) et ainsi tout potentiel conflit d’intérêts est systématiquement signalé au lecteur. Ross Pelton est donc signalé comme étant en potentiel conflit d’intérêts et l’argumentation de l’auteur n’est absolument pas basée sur ses propos, il est simplement cité. Reprocher à l’auteure son honnêteté à signaler les conflits d’intérêts ou n’en retirer que deux citations est un procédé plutôt étrange qui tend à montrer que l’auteure de cet article n’a qu’une envie : trouver des défauts à cet ouvrage, se focaliser dessus et oublier les 99 % restants. Cela peut-être une façon de voir les choses mais cela n’est pas très constructif.

Pour conclure, à la façon de Catherine Hill (et parce que mieux vaut en rire qu’en pleurer) : les lecteurs ont un large éventail de médias à leur disposition. Pour en choisir un, il leur faut des informations claires et honnêtes qu’elles ne trouveront absolument pas dans cet article de Catherine Hill.

Sans rancune. Et n’oubliez pas d’imaginer le côté risible que prendront toutes ces querelles dans quelques dizaines/centaines d’années ! Restons humbles et n’oublions jamais que, de même que nous regardons aujourd’hui avec tendresse les certitudes scientifiques des scientifiques pré ère pasteurienne, d’autres nous regarderons un jour avec le même regard 🙂


  •  Galbraith J. I., « A methodological review of the Royal College of General Practicioner’s Oral Contraception Study », Journal of Nutritional & Environmental Medicine, 8, 1998, p. 187-194.