pilule contraceptive

Un labo belge développe un nouvel oestrogène pour une pilule avec moins d’effets secondaires

Le laboratoire belge Mithra devrait bientôt commercialiser Estelle® une pilule contraceptive à base d’un nouvel œstrogène, l’estetrol (E4) produit spécifiquement durant la grossesse par le fœtus humain et qui aurait moins d’effets secondaires que l’ethinylestradiol (EE2) actuellement utilisé dans la plupart des pilules.

Le 12 septembre 2018, les laboratoires belges Mithra ont annoncé avoir trouvé un distributeur pour leur produit phare, la pilule contraceptive Estelle® qui contient un nouvel œstrogène : l’estetrol. Ils prévoient une mise sur le marché pour 2020 et annoncent des résultats des tests de phase III positifs.

Produit spécifiquement durant la grossesse par le fœtus humain, l’estetrol a pour effet quand il se retrouve dans le corps de la femme de bloquer l’ovulation. Jusqu’à aujourd’hui, cet œstrogène n’a jamais été utilisé dans la composition d’une pilule contraceptive.

Le laboratoire présente sa pilule ainsi sur son site :

“Le produit candidat leader de Mithra, Estelle®, est une pilule contraceptive combinée composée de 15 mg d’Estetrol (E4) et 3 mg de Drospirénone (DRSP).

Estelle® est actuellement en phase III des essais cliniques en Europe et en Amérique du Nord, sous le nom E4 Freedom (plus d’infos : www.e4freedom.com).”

 

Estetrol pill

L’estetrol : un œstrogène produit par le fœtus durant la grossesse :

Dans une vidéo de présentation, le laboratoire explique ce que l’on sait sur cette molécule estetrol et indique qu’elle présente une bien meilleure bio disponibilité, qu’elle aurait moins d’effets secondaires sur la surcharge du foie et présenterait des risques d’accidents thromboemboliques et de cancer du sein diminués.

Une bien meilleure bio disponibilité, moins d’effets secondaires sur la surcharge du foie et des risques diminués d’accidents thromboemboliques et de cancer du sein.

L’estetrol y est également présenté comme une molécule ayant de potentielles futures applications pour la ménopause, l’endométriose, le cancer de la prostate, du sein et d’autres maladies du fœtus.

Dans un communiqué de presse, le laboratoire précise :

“Le profil de sécurité repose sur le mode d’action unique (MOA) de l’E4, un œstrogène natif avec une action tissulaire sélective (NEST). Cet œstrogène est présent chez le fœtus humain, où il est synthétisé par le foie. Les deux précédentes études de phase II conduites par Mithra ont confirmé que l’E4 avait une incidence minimale sur les cellules du foie, notamment sur les paramètres de coagulation [Kluft C et al., Contraception 2017; 95(2):140-7 ; https://investors.mithra.com/wp-content/uploads/2018/03/2018-03-08-
Hemostasis-ISGE-en-final.pdf] et sur le profil hémostatique favorable. Ces paramètres de coagulation sont considérablement plus impactés par l’EE, présent dans la plupart des contraceptifs oraux, ce qui fait d’Estelle® une nouvelle solution contraceptive prometteuse à destination des femmes, présentant un rapport bénéfice/risque unique.”

Certains lecteurs nous ont demandés si cet estetrol était directement issu de recherche sur les embryons, nous n’avons à ce jour pas encore obtenu d’informations à ce sujet.

Concernant l’avancée des essais pour cette “pilule du futur”, le laboratoire dédie tout un site à ces derniers.

Une nouvelle pilule présentée comme “naturelle” :

Cette future pilule est présentée par certains médias comme “naturelle” ou “plus naturelle”. Mais comme l’explique Sabrina Debusquat dans son enquête J’arrête la pilule, toute hormone de synthèse aujourd’hui présente dans un médicament n’est généralement qu’une copie modifiée de nombreuses fois en laboratoire et n’est donc jamais une copie parfaite des molécules naturelles (et elle n’est pas non plus administrée/secrétée dans le corps de la même façon) :

“Les œstrogènes de synthèse […] sont totalement synthétiques et la plupart des progestatifs sont issus ou inspirés de molécules végétales modifiées en laboratoire. Pour rassurer les utilisatrices au sujet des molécules « totalement synthétiques », l’industrie a développé des pilules qu’elle a qualifiées de « naturelles », comme Qlaira ou Zoely. Elles contiennent des hormones synthétisées à partir de produits comme le soja. Mais pour ce type de pilule comme pour toutes les autres, ces molécules n’ont pas grand-chose de naturel. Elles sont modifiées de très nombreuses fois en laboratoire et elles restent étrangères à notre corps.”

Pilule

Pour ce type de pilule comme pour toutes les autres, ces molécules n’ont pas grand-chose de naturel. Elles sont modifiées de très nombreuses fois en laboratoire et elles restent étrangères à notre corps.

 

” Chaque hormone [naturelle] est comme une clef qui ouvre son récepteur. Une fois la clef introduite dans la serrure, une série de réactions se met en place : le corps produit des substances essentielles à son bon fonctionnement. Les hormones synthétiques sont en quelque sorte un double des clefs. Malheureusement, ce double n’est pas parfait. Ses crans sont légèrement dissemblables et cela envoie un signal un peu différent qui est à même de perturber tout le système.”

Ce qu’on en pense :

Dans la composition de sa pilule Estelle, les laboratoires Mithra optent pour un progestatif de quatrième génération : la drospirénone, pourtant connu pour générer plus d’effets secondaires que d’autres progestatifs (double le risque d’accidents thromboemboliques [1] et impact plus prononcé sur la baisse de libido et les états dépressifs) bien qu’il permette par ailleurs généralement d’obtenir une très jolie peau et de limiter la rétention d’eau.

Il paraît assez “contre productif” de développer un œstrogène qui impacte moins sur les accidents thromboemboliques pour l’associer à un progestatif qui lui-même les augmente…

Nous ne connaissons que peu de chose sur cet œstrogène estetrol qui reste encore très mystérieux.

De plus, comme l’explique le laboratoire, nous ne connaissons que peu de chose sur cet œstrogène estetrol qui reste encore très mystérieux. Ainsi, jouer avec des hormones sur lesquelles nous avons peu d’informations pour modifier l’équilibre hormonal naturel des femmes (important pour leur santé en général) n’apparaît pas “révolutionnaire”.

Améliorer les effets secondaires des hormones synthétiques est toujours une bonne nouvelle mais ne permet pas de sortir du paradigme d’hypermédicalisation du corps féminin dénoncé par Sabrina Debusquat et par de nombreuses féministes. On reste dans l’idée de prendre un médicament (aux effets secondaires potentiels) durant des années pour assumer la charge contraceptive et la pollution de l’environnement, de l’eau du robinet reste présente.

Améliorer les effets secondaires des hormones synthétiques est toujours une bonne nouvelle mais ne permet pas de sortir du paradigme d’hypermédicalisation du corps féminin

Féminisme pilule

Comme l’explique le co-fondateur de Mithra, Jean-Michel Foidart, “la nature est bien faite” et en effet, toute une nouvelle génération de femmes demande désormais à ce que la contraception fasse avec sa nature et non contre ou en la “bloquant” via des hormones synthétisées en laboratoires qui interfèrent avec le fonctionnement naturel de l’organisme.

 

Pour prendre connaissance des informations révélées par Sabrina Debusquat à propos de l’impact dees hormones contraceptives ur le corps et de la pollution de nos eaux potables due aux contraceptions hormonales, lisez J’arrête la pilule. Sortie en poche septembre 2018, J’ai Lu.


[1]  Vinogradova Y. et al., « Use of combined oral contraceptives and risk of venous thromboembolism : nested case-control studies using the QResearch and CPRD databases », British Medical Journal, vol. 26, n° 350, 2015, p. 2135.